Déconfinement : fin du match, début d’un nouveau ou seulement la mi-temps ?

Au moment où se met en place progressivement le déconfinement, l’heure n’est pas encore aux bilans mais on peut néanmoins relever quelques points qui nous montrent qu’il y aura dans les professions de la communication un avant et un après confinement. Nous avons interrogé une quinzaine de responsables d’agences parmi les membres partenaires des Stratèges pour prendre la température de cette « rentrée ».

De manière générale, les agences de la région Rhône-Alpes se sont bien accommodées du télétravail. Les métiers de la com ont depuis longtemps opéré leur transformation digitale et il faut convenir que l’activité se prête facilement à une forme de nomadisme.

· Les collaborateurs ont apprécié le confort de rester chez soi bien que les situations varient selon l’environnement familial et les conditions de logement de chacun. Ils ont en tout cas découvert le plaisir de pouvoir se concentrer et de gagner en efficacité.

· Les dirigeants quant à eux ont été rassurés de constater que la qualité du travail ne diminuait pas, que les délais étaient tenus et les clients satisfaits. La diminution de la quantité de travail a aussi joué et les collaborateurs disposant d’un peu plus de temps ont pu soigner les livrables.

 

Il semble qu’un tabou soit tombé concernant le télétravail et que son recours entre désormais dans une forme de normalité. En effet, la question du télétravail était devenu ces dernières années un totem qui cristallisait les rancœurs entre collaborateurs et dirigeants d’agences. Ces derniers craignaient d’ouvrir la boîte de pandore des avantages acquis non renégociables tandis que les collaborateurs en faisaient un marqueur de QVT et une preuve d’une confiance qu’on leur refusait.

Cette controverse inutile est désormais derrière nous et l’on sort de cette crise avec un regain de confiance réciproque chacun ayant bien expérimenté les avantages et les inconvénients. Tous s’accordent à dire que le télétravail est une souplesse et un confort qui ne nuit en rien à la qualité du travail, ni à l’implication, bien au contraire,  mais tous sont heureux de reprendre au moins partiellement le chemin de l’agence, de retrouver les collègues et de recharger les batteries de la dynamique collective.

Overdose de visio :

Chacun aura constaté les limites des visioconférences même si certains ont fait preuve d’originalité en instituant par exemple le « Teams Café » quotidien version confinement de la machine à café :

· La fatigue car l’exercice demande une concentration maximale

· L’ évidente inutilité des réunions avec beaucoup de participants

· Le manque d’échange quand l’organisateur finit par faire un monologue sans ressentir l’adhésion ou non des participants

·Etc…

Les agences ont été nombreuses à sonder l’avis et les envies de leurs collaborateurs :

A l’issue de ces deux mois d’expérience du confinement  il ressort une attente forte pour un mix équilibré entre travail chez soi et au bureau. La frontière entre vie privée et vie pro se sera donc effritée un peu plus. L’avenir nous dira à quelle proportion s’établira le bon équilibre mais il est en tout cas probable que ce mode d’organisation s’ajoutera au crédit de la marque employeur pour ceux qui l’adopteront. Dans la mesure où les grandes entreprises annonceurs auront plus de difficultés à systématiser le télétravail on peut supposer que l’attractivité des agences par rapport aux fonctions chez l’annonceur va se rééquilibrer.

 

Comment allons-nous désormais arbitrer le travail qui sera effectué à domicile et à l’agence ? On peut supposer que ce qui demande de la réflexion, de la concentration pourra se faire en télétravail comme les recos, la prospection, ou la production avec une difficulté pour cette dernière liée au matériel qui prend davantage de place et n’est pas facile à déplacer dans un usage nomade. Le travail de conception qui requiert l’échange de points de vue, les réunions seront logiquement conservés en présentiel.

Tout le monde n’a pas forcément les mêmes attentes et certains comportements sont plus individualistes et se satisfont facilement d’une collaboration à distance. S’achemine-t-on vers  une organisation à la carte avec des collaborateurs plus ou moins présents ou externes ? Faudra-t-il imaginer un nouveau statut entre salarié et freelance ?

Faudra-t-il repenser les espaces de travail ? Une part significative de télétravail dans les organisations marquera-t-elle la fin définitive des bureaux attitrés ? Puisque lorsqu’on aura besoin de s’isoler pour se concentrer on optera pour le télétravail, l’agence n’aura-t-elle pas intérêt à redistribuer ses locaux en salles de réunion avec des fonctions et des formats différents pour couvrir tous les aspects du travail collaboratif et de la dynamique collective. Du boulot en perspective pour les architectes d’intérieur !

Au domicile, la question est plus délicate car il est plus difficile de dégager un espace dédié au travail. Verra-t-on naître des espaces de co-working en libre-service dans les zones résidentielles ou au sein des co-propriétés ? Si l’on considère qu’un à deux jours par semaine seraient effectué en télétravail, les entreprises accepteront-elles de prendre en charge une quotepart du loyer de leurs collaborateurs comme elle le font actuellement pour les abonnements aux transports en commun ? Pourquoi pas, si on prend en compte une diminution conséquente des surfaces de bureaux…

S’il est acquis que le télétravail va se généraliser et que chacun mesure qu’il peut faire son taff à distance, beaucoup soulignent le besoin d’informel, l’importance de l’esprit d’équipe, le collectif qui fait une entreprise. L’inventivité avec sa dose d’improvisation et de spontanéité ne s’exprime bien que dans l’instant et le partage. La tendance à l’indépendance peut être une menace et les managers devront être vigilants à entretenir le sentiment d’appartenance s’ils ne veulent pas voir se disloquer leur organisation. Comme dans la savane, chacun vaque à ses activités dans la journée mais tout le monde se retrouve le soir et vient se ressourcer pour boire au même point d’eau.

Et côté business, comment les agences de la région s’en sortent-elles ?

La tendance est à la prudence face à l’incertitude. Les entreprises ont été mises sous perfusion durant la crise sanitaire grâce aux mesures gouvernementales et la possibilité de mise en chômage partiel de leurs équipes. La plupart des agences ont compensé à 100% les pertes de salaire des salariés mis en chômage partiel.

Avec des disparités selon les activités et les secteurs de leurs clients, on peut estimer que les agences ont encaissé le choc :

· Les agences liées à des activités événementielles et au marketing opérationnel ont été les plus durement affectées avec des coups d’arrêt brutaux à cause des annulations et des fermetures de commerces.

· Celles qui bénéficient de gros clients avec des contrats récurrents arrivent à amortir l’impact de la baisse

· Il semble que plus les agences sont digitales, mieux elles résistent et continuent une activité quasi normale.

· Celles dont les clients sont dans les secteurs de la santé, du food et du retail ont constaté une activité en « V » : arrêt brutal suivi d’une reprise rapide et forte.

L’activité newbiz bien que ralentie n’a pas totalement cessé :

· La période n’est pas à prendre le risque de changer d’agence. Les gros appels d’offres sont donc reporté

· Mais on constate que les annonceurs restent attentifs car des agences signalent que des consultations en avant-vente, des prises de références se multiplient mais qu’en revanche les décisions ne se prennent pas encore.

· Les annonceurs ont également eu tendance au début à recentrer leur communication sur des messages de sécurité, et de réassurance qu’ils ont gérée en interne dans l’urgence.

· Enfin certains bénéficient directement d’un effet covid positif avec le développement d’appli spécifique, des missions de veille dédiée à l’impact Covid ou encore des demandes de prise en charge complète de l’organisation de webinar.

 

Au final, la plupart des agences ont pu continuer sur leur lancée et les mois de mars, avril et mai n’ont pas été catastrophiques. Les perspectives à ce jour s’étalent entre -10% à -50% de baisse de chiffre ramenée sur l’exercice, mais tous s’accordent à dire que le moment de vérité sera en septembre avec la 2ème vague, celle de la crise économique qui dépendra de la résilience de leurs propres clients.

Tous préparent le 2ème semestre comme si tout allait repartir normalement. Les équipes gardent le moral et leur dynamique est confortée par ces deux mois qui se sont plutôt bien soldés. Mais les responsables conviennent qu’ils n’ont aucune certitude et que la vision des prochains mois résulte davantage de la conviction que de la prédiction !