Concentration des agences : la tendance se poursuit en 2024 mais la valeur ajoutée de ces rapprochements reste à prouver

Concentration des agences : la tendance se poursuit en 2024 mais la valeur ajoutée de ces rapprochements reste à prouver

Observatoire des Stratèges 2024 : Synthèse de la matinale du 30 janvier par François Pinochet, Secrétaire Général Les Stratèges

Les regroupements d’agences se poursuivent en ce début d’année sur la lancée de l’accélération constatée en 2023. Des groupes indépendants émergent profitant de l’espace laissé vacant par les grands réseaux qui, leurs emplètes achevées, se tournent aujourd’hui davantage vers l’international.

On manque encore du recul suffisant pour conclure que ces rapprochements sont vertueux, ou qu’ils vont définir le modèle dominant des prochaines années. Aucun de ces jeunes groupes n’a encore fait la démonstration flagrante de sa valeur ajoutée mais des tendances d’organisation se profilent.

Cette concentration de l’offre de prestataires témoigne en tous cas de la dynamique des marchés de la communication et de la foi que les acteurs ont en leur avenir. Revenons sur les causes de ces concentrations à marche forcée :

1 – Le sentiment d’urgence général face à un changement d’époque qui devient de plus en plus évident :

Il y’a urgence de s’adapter à un monde en pleine accélération confronté à des révolutions technologiques de plus en plus rapprochées. D’aucuns y voient l’opportunité de prendre maintenant des positions pour l’avenir, avec l’espoir de réitérer les exemples de leurs ainés. Les groupes, leaders mondiaux de la communication, se sont constitués par vagues successives : celle des 90’s dans la foulée de la loi sapin aura marqué à jamais la fin des années pub ; la vague des acquisitions motivées par l’avènement d’internet et des nouvelles technologies. Ce n’est pas l’argent qui manque, mais plus on avance, plus les cibles intéressantes se font rares.

2 – La fin d’une génération qui souhaite passer la main :

Ils sont nés dans le métier dans les années glorieuses de la publicité star, les années Séguéla ! Ils en ont vu les excès et ont poursuivi leur chemin avec beaucoup plus de sérieux que leurs ainés. Ils ont encaissé les crises de plus en plus rapprochées, où les annonceurs coupaient momentanément les robinets des budgets com. Ils ont su prendre le virage d’internet et de la digitalisation avec toutes les conséquences non seulement dans la manière de pratiquer le métier mais surtout dans le changement des comportements consommateurs. Ils sont encore là et l’on peut rendre hommage à leur persévérance. Arrive 2020 ! Le Covid pétrifie toute l’activité et lorsque le dégèle revient, les aspirations des collaborateurs, jusqu’alors contenues, fleurissent de toutes part, rendant l’exercice du management incompréhensible pour cette génération. Mais ce n’est pas finit ! La perspective du tsunami technologique de l’IA aura-t-elle raison de leur résilience ? Il est encore temps de rendre les clés à la génération suivante.

3 – Le coup de cliquet de la relève des quadras

Ils ont très vite assimilé les révolutions digitales successives. Les possibilités ouvertes par les différents usages d’internet ont révélé leur esprit d’entreprise, chacun se positionnant en pionnier sur des expertises différentes.  Tout était à construire dans ce monde digital naissant, et ils ne manquaient ni de talents ni d’envie.  Fort d’une 1ere création d’agence réussie, il est temps pour eux de sécuriser les acquis. Dopé à l’énergie créatrice et forts des leçons apprises en se frottant jeune à l’entrepreneuriat, ils trouvent une nouvelle dynamique dans des groupes. En se regroupant entre pairs de leur génération ils espèrent retrouver l’enthousiasme de la croissance dans un nouveau projet.

4 – Fin du modèle de l’agence 360° accessible par croissance organique

La multiplication des disciplines de la communication au gré des nouvelles technologies et des nouveaux usages digitaux apparus ces dernières années ; le morcellement des expertises qui en découle ; l’aspiration de nouveaux entrant à se mettre à créer leur microstructure, auront eu raison du modèle dominant et longtemps prestigieux de l’agence généraliste. On ne peut plus être expert de tout et la promesse du 360 est devenue difficile à tenir : limites de compétences pour rester à jour tant les évolutions sont rapides, limites de crédibilités et limites structurelles quand on n’a ni les effectifs ni suffisamment d’occasions de retours d’expériences.

La croissance organique basée sur le triptyque élargissement des compétences, récurrences des clients et conquête de gros annonceurs est un mirage qui s’éloigne de plus en plus quand on croit l’avoir atteint.

Le contexte marché est donc plus favorable aux rachats de structures identifiées comme spécialistes avec 2 orientations possibles. La première consiste à racheter des agences dans sa spécialité de manière à garder le leadership sur une expertise. Oui mais laquelle ? Y a-t-il encore des espaces de conquête disponibles ? La seconde est la tendance dominante à ce jour : Les groupes se constituent en meutes multi-spécialistes. Ils rachètent des agences sans forcément changer les marques avec l’objectif affiché de proposer une réponse experte à la plupart des besoins des annonceurs. Ils ne cherchent pas à être présent sur tous les fronts auprès des mêmes clients.  Les synergies entre les différentes structures spécialisées de ces jeunes groupes restent à trouver. Le pari n’est pas gagné car dans le même temps, les annonceurs tendent à être de plus en plus autonomes pour ne recourir qu’aux spécialités qu’ils ne maitrisent pas et pour lesquelles, ils ont besoin de la pédagogie d’experts pointus.

On pourra alors se poser la question : à qui profite ce phénomène de concentration ?

  • L’enjeu financier semble évident car les économies d’échelles réalisées sur les fonctions supports sont immédiates.
  • L’enjeu commercial, on l’a vu, reste à prouver.
    • Ces jeunes groupes seront ils en capacité de rivaliser avec les grands réseaux qui jouissent d’une forte notoriété et ne resteront probablement pas muets très longtemps.
    • On peut cependant constater que les quadras qui ont récemment vendu leur agence et intégré ces groupes indépendants, retrouvent une nouvelle dynamique facile à comprendre : soudainement soulagés des fonctions supports, gestion, RH, intendance etc… ils se recentrent sur ce qu’ils aiment, leurs clients, leurs expertises et l’envie de s’impliquer dans un projet d’entreprise. Les conséquences sur la dynamique commerciale devraient logiquement suivre… à vérifier à l’usage…
  • L’enjeu RH ne doit pas non plus être négligé car les collaborateurs trouvent dans la taille des groupes qu’ils intègrent, des éléments de réassurance. Après les périodes d’incertitudes qu’ils ont pu connaitre dans des petites agences en fin de parcours ou livrées aux aléas conjoncturels, ils apprécient une forme de stabilité, la prise en compte de leurs aspirations à concilier la qualité de vie avec leur job, et la logique d’équipe. N’oublions pas que l’enjeu d’une marque employeur joue également pour les agences. C’est d’ailleurs pour cette raison que les groupes gardent les marques des agences fraichement acquises pour des raisons commerciales de positionnements mais créent des enseignes de groupe pour développer leur marque employeur.

En conclusion, tous ces mouvements, sont le signe d’un secteur en train d’opérer des mutations profondes mais qui se porte plutôt bien.

Observatoire Les Stratèges 2024 : cartographie animée des typologies d’agences et dynamiques de développement